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Quasi-usufruit conventionnel : danger

1. La donation puis la vente avec constitution d'un quasi-usufruit au profit du donateur relève de l'abus de droit.

Comité de l’abus de droit fiscal, séance n° 2/2014, 13 mars 2014

2. La créance de restitution née d'un quasi-usufruit conventionnel pourrait ne pas être déductible de la succession de l'usufruitier.

CA Paris, 25 févr. 2014, n° 2012/23704

Voir article publié dans la Revue Française de Compabilité

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1. La donation puis la vente avec constitution d'un quasi-usufruit au profit du donateur relève de l'abus de droit

Comité de l’abus de droit fiscal, séance n° 2/2014, 13 mars 2014
Affaire n° 2013-45 concernant M. et Mme P (impôt sur le revenu)

information et conseil en gestion de patrimoine du chef entreprise Présentation :

La donation puis la vente avec constitution d'un quasi-usufruit au profit du donateur relève de l'abus de droit 1, entraînant une majoration de 40 % à 80 % de l'impôt. En effet, la vente de la pleine propriété d'un bien conduit à l'impôt sur la plus-value. Plutôt que de vendre la pleine propriété, il est parfois plus intéressant fiscalement de donner la nue-propriété (droits de mutation à titre gratuit selon le barème fiscal de l'article 669 du CGI), puis de vendre (impôt sur plus-value sur l'usufruit, mais pas sur la nue-propriété car la donation a effacé la plus-value), avec report du démembrement sur les liquidités (quasi-usufruit). Le quasi-usufruit permet à l'usufruitier de disposer des liquidités comme s'il était plein propriétaire. Il existe d'autres solutions plus intéressantes et plus sécurisées que le quasi-usufruit. Elles font appel aux holdings.   Contact

information et conseil en gestion de patrimoine du chef entreprise Les faits : donation de la nue-propriété, vente, report en quasi-usufruit

Les parents donnent à leur enfant la nue-propriété de titres. Les droits de mutation à titre gratuit sont dus sur la valeur de la nue-propriété calculée selon le barème de l’article 669 du CGI. Usufruitier et nu-propriétaire vendent les titres. Seul l’impôt sur la plus-value relative à l’usufruit est dû, la donation antérieure ayant effacé la plus-value relative à la nue-propriété. Une convention de quasi-usufruit sur les liquidités issues de la vente est signée. En application de l’article 587 du Code civil 2, le quasi-usufruitier a le droit de se servir du bien : le consommer, l’aliéner et en disposer librement. L’obligation de restitution de l’usufruitier confère au nu-propriétaire un droit de créance équivalent à la valeur du bien, droit qu’il pourra faire valoir lors de l’extinction du droit d’usufruit, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier. Fiscalement, la dette de restitution constituerait un passif déductiblede l’actif successoral de l’usufruitier 3 . Les parents donateurs utilisent les liquidités pour payer leurs impôts, financer des dépenses de train de vie et des investissements. Une partie des liquidités provient de la vente réalisée par le nu-propriétaire.

L’administration fiscale estime que la donation est fictive, que les donateurs ont en réalité entendu conserver l’entière disposition du produit de la cession des biens donnés. L’opération en cause a permis d’éviter de vendre la pleine propriété qui aurait conduit à un impôt supérieur à l'addition :
- des droits de mutation à titre gratuit sur la nue-propriété donnée
- et de l'impôt sur la plus-value sur l'usufruit vendu.

Le Comité confirme l’abus de droit.

(1) L'abus de droit fiscal est applicable lorsque le but recherché est exclusivement fiscal. LPF (livre de procédures fiscales), article 64 : « Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles...».

(2) C. civil, art. 587 : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ». Voir dossier "Démembrement de propriété".

(3) CGI, art. 768 et 773 2°. Mais selon une jurisprudence de février 2004 (CA Paris, 25 févr. 2014, n° 2012/23704), les nus propriétaires ne sont pas fondés à obtenir la déduction de ce passif, car ce dernier ne trouve pas son origine dans la loi, mais résulte d’une convention.

TEXTE INTEGRAL

Comité de l’abus de droit fiscal, séance n° 2/2014, 13 mars 2014

Affaire n° 2013-45 concernant M. et Mme P (impôt sur le revenu)

Par acte notarié du 1er août 2008, M. et Mme P ont fait donation à leur fille, née en 2001, de la pleine propriété de 296 actions de la SAS X ainsi que de la nue-propriété de 1184 actions de cette même société laquelle a pour activité le conseil, la création, l’exploitation et la vente de services multimédia d’information et de commerce électronique.

La nue-propriété a été évaluée à 3/10e de la valeur des titres en pleine propriété s’élevant à 412,50 € par action.

Cet acte comporte une clause de remploi stipulant qu’en cas d’aliénation de ces titres, la Nue propriétaire s’interdit, sauf accord exprès des usufruitiers, de demander le partage en pleine propriété du prix représentatif de ces derniers et s’oblige, au contraire, à remployer le produit de ces aliénations dans tous biens dont l’acquisition pourra être décidée par les seuls usufruitiers afin de permettre le report des droits de ces derniers sur les biens nouvellement acquis.

Le 3 août 2008, dans le cadre d’un protocole d’acquisition des actions de la SAS X, la SARL Y s’est engagée à acquérir le solde des actions de la SAS avant le 18 août 2008. De leur côté, les actionnaires se sont engagés à céder les titres qu’ils détenaient sur la base d’un prix par action de 412,50 €.

Le 3 août 2008, Mlle P a cédé à la SARL Y les 296 actions de la SAS X détenues en pleine propriété pour la somme de 122 100 €, et, avec ses parents, les 1184 actions, dont la propriété avait été démembrée, de cette dernière société pour la somme de 488 400 €.

La cession des titres détenus en pleine propriété, effectuée au prix où Mlle P les avait reçus en donation, n’a généré aucune plus-value. La cession des 1184 actions a généré une plus-value imposable à l’impôt sur le revenu, au taux de 18 %, et aux contributions sociales, d’un montant de 325 516 €, soit une imposition globale de 97 979 €. Les sommes issues de la cession des 1184 actions ont été portées sur un compte bancaire ouvert au nom des usufruitiers et de la nue propriétaire.

Une convention de quasi-usufruit en date du 10 août 2008, conclue entre les époux P et leur fille, enregistrée le 10 septembre suivant, stipule que les époux exerceront leur usufruit sur la somme de 488 400 € et s’engagent à restituer ce montant à leur fille ou à ses ayants droit au terme de l’usufruit. Cette convention précise, s’agissant de la déclaration d’emploi par les quasi-usufruitiers, que ceux-ci déclarent verser cette somme à titre de prime sur un contrat d’assurance-vie et, s’agissant de la créance de restitution à la nue propriétaire, que celle-ci dispense expressément les quasi-usufruitiers de donner une sûreté pour garantir les restitutions en fin d’usufruit.

L’analyse des flux financiers relevés sur les comptes bancaires a permis à l’administration de constater que M. et Mme P avaient appréhendé la quasi-totalité des sommes perçues lors de la vente des actions de la SAS X en affectant le prix perçu au règlement de leurs impositions personnelles, à des dépenses de train de vie et à des investissements.

L’administration a estimé que les donateurs avaient en réalité entendu conserver l’entière disposition du produit de la cession des biens donnés. Elle a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et a écarté comme fictif l’acte de donation du 1er août 2008. Elle a soumis à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales l’intégralité de la plus-value réalisée lors de la cession des 1480 actions de la SAS X, établie à la somme de 591 176 €, sous déduction de la plus-value déjà imposée d’un montant de 325 516 €.

Le Comité a entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que le représentant de l’administration.

Il ressort de cette audition que la cession des actions de la SAS X s’inscrit dans le cadre d’une opération de “ leverage buy out ” (LBO) pour laquelle M. et Mme P avaient une dette s’élevant à environ un million d’euros et que le contrat d’assurance-vie, souscrit, conformément à la convention de quasi-usufruit, a été offert à titre de garantie en vue de la couverture de la moitié de cette dette.

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2. La créance de restitution née d'un quasi-usufruit conventionnel pourrait ne pas être déductible de la succession de l'usufruitier

Cour d'appel de Paris, 25 février 2014, n° 2012/23704

information et conseil en gestion de patrimoine du chef entreprise Situation. Des nus propriétaires de parts sociales décident de distribuer au profit de l’usufruitier un dividende provenant des réserves. Un quasi-usufruit serait constitué. L’usufruitier décède. Les nus propriétaires font valoir une dette de restitution due par le défunt.

information et conseil en gestion de patrimoine du chef entreprise La Cour

1°. Les nus propriétaires ne sont pas fondés à obtenir la déduction de ce passif, car étant conventionnel, ce dernier ne trouve pas son origine dans la loi (C. civ., art. 587).

2°. La résolution n'a pas été enregistrée avant l'ouverture de la succession de l'usufruitier. Le service des impôts est en droit de s'opposer à sa déduction conformément à l'article 773, 2° du CGI.


TEXTE INTEGRAL
COUR D'APPEL Paris PÔLE 05 CH. 0725 février 2014N° 2012/23704
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISEaux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5-7
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2014
(n° 22, 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2012/23704
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 octobre 2012
rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/12774

APPELANTS :

- M. Raphaël D.
Né le 25 mai 1964 à NEUILLY SUR SEINE
Nationalité : Française
Sans profession
...

- Mme Jeanne D.
Née le 18 Mars 1947 à BIARRITZ
Nationalité : Française
Sans profession
Demeurant : Rond point Domremy - Résidence ...

- Mme Isabelle M. D.
Née à IRUN (Espagne)
Nationalité : Française
Sans profession
Demeurant : ...
Représentés par :
- Maître Jacques BELLICHACH,
avocat au barreau de PARIS,
toque : G0334
22 rue Bergère 75009 PARIS

- Maître Pierre KARABATSOS,
avocat au barreau de BAYONNE
5 rue Joseph Szydlowski - Technocité - Bât. Astria CS 88528 - 64185 BAYONNE CEDEX

et

INTIMÉ :

- M. LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES DE L'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS,
Pôle de Gestion Fiscale de Paris Sud Ouest
ayant ses bureaux : 9 Place Saint Sulpice 75292 PARIS CEDEX 06
Représenté par :

- La SCP NABOUDET - HATET,
avocats associés au barreau de PARIS,
toque : L0046
44/46 boulevard de Magenta 75010 PARIS

- représenté à l'audience par Mme Muriel V., Inspectrice des finances publiques, munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2014, en audience publique, l'avocat des appelantes et la représentante de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale BEAUDONNET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- M. Christian REMENIERAS, président
- Mme Pascale BEAUDONNET, conseillère
- Mme Sylvie LEROY, conseillère
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET CALLU

ARRÊT :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET CALLU, greffier.

----

Vu l'appel déclaré par M. Raphaël D., Mme Jeanne D. et Mme Isabelle M. du jugement prononcé le 18 octobre 2012 par le tribunal de grande instance de Paris qui les a déboutés de toutes leurs demandes ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 mars 2013 par M. Raphaël D., Mme Jeanne D. et Mme Isabelle M., priant la cour, après avoir infirmé le jugement, de :

- dire fondé leurs recours contre la décision tacite de rejet de la direction des services fiscaux de Paris Ouest de la réclamation adressée en leur nom et pour leur compte le 28 avril 2010 par M° Bompoint, notaire à Biarritz ;

- condamner la direction des services fiscaux de Paris Ouest :

. à substituer la déclaration de succession rectificative, adressée en même temps que la réclamation, à la déclaration de succession initiale et à constater que le montant des droits de succession à la charge des héritiers est de 2 196 075 euros et non de 2 636 515 euros,

. à produire un plan de règlement des droits annulant celui qu'elle a établi et prenant en compte des droits de succession à la charge de Mme Jeanne D. pour un montant de 272 378 euros et à la charge de M. Raphaël D. pour un montant de 1 849 635 euros,

. à rembourser à Mme Jeanne D. et à M. Raphaël D. l'excédent de droits qu'ils auront acquittés sur la base du plan de règlement initial par rapport au plan de règlement modifié au jour où la décision de la cour aura été exécutée, majoré de l'intérêt moratoire prévu par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales,

. à leur payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières écritures signifiées le 26 avril 2013 par M. le Directeur régional des finances publiques de l'Ile de France et du département de Paris, intimé, concluant à la confirmation du jugement, au rejet des demandes et à la condamnation des appelants au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE :

M. L. D. est décédé le 14 avril 2009, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Isabelle M., et ses deux enfants : Mme Jeanne D. et M. Raphael D..

La déclaration (initiale) de succession a été enregistrée le 19 janvier 2010. Elle mettait à la charge des héritiers des droits de succession d'un montant total de 2 636 515 euros, dont le paiement fractionné a été demandé et accordé.

Les ayants droit ont déposé une déclaration de succession rectificative le 28 avril 2010, faisant état d'un passif successoral qui n'avait pas été pris en considération lors de l'établissement de la déclaration de succession initiale, à savoir une dette de restitution du défunt d'un montant de 1 368 632,60 euros. A la suite de cette correction à effectuer sur le passif, les droits de succession seraient de 2 196 075 euros et non de 2 636 515 euros et une correction du plan de règlement fractionné devrait en conséquence être établie.

Cette déclaration rectificative était accompagnée d'un courrier du notaire chargé de la succession exposant qu'avait été omis dans le passif successoral deux créances de restitution d'un montant total de 1 368 632,60 euros, ces créances ayant leur origine dans la distribution de réserves décidée par la société L&R Participations (L&R) le 27 septembre 2006 ;

Que ce courrier expose notamment :

- que la société L&R est une société civile au capital de 6 473 092 euros divisé en 524 607 parts sociales, société immatriculée le 23 juillet 2001 avec pour objet toutes opérations d'investissement mobilier ou immobilier ; que depuis sa constitution et jusqu'au décès de M. L. D., cette société comprenait trois associés à savoir : M. L. D., propriétaire de 300 parts sociales en pleine propriété et de 402 539 parts sociales en usufruit, M. Raphael D., propriétaire de 114 parts sociales en pleine propriété et de 287 309 parts sociales en nue-propriété et Mme Isabelle D., propriétaire de 21 654 parts sociales pleine propriété et de 115 230 parts sociales en nue-propriété ;

- que le 27 septembre 2006, les associés réunis en assemblée générale ont décidé une distribution de réserves d'un montant de 1 443 663,80 euros produisant un dividende revenant à chaque part de 3,40 euros et ont constaté et accepté la constitution d'un droit de quasi usufruit sur les dividendes revenant aux parts démembrées ;

- que M. L. D. en sa qualité d'usufruitier a donc perçu, sur le fondement du quasi usufruit de l'article 587 du code civil, la somme de 976 850,60 euros au titre des parts dont M. Raphael D. était nu-propriétaire (287 309 parts X 3,40 euros) et celle de 391 782 euros au titre des parts dont Mme Isabelle D. était nu-propriétaire (115 230 x 3,40) soit la somme totale de 1 368 632,60 euros générant une créance de restitution.

En l'absence de réponse à cette demande dans le délai de six mois, les consorts D. ont, le 16 août 2011, saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, retenant que les consorts D. ne sont pas fondés à soutenir que la dette de restitution (1 368 632,60 euros), dont la déduction est sollicitée au passif successoral de M. L. D., trouve son origine dans un usufruit ayant sa cause dans la loi, a rejeté leurs demandes.

Considérant que les appelants font valoir que la nature du quasi usufruit de M. L. D. n'est pas contractuelle mais légale ; qu'en effet, la résolution de l'assemblée générale du 27 septembre 2006 n'est ni un accord, ni un contrat mais un acte juridique collectif et la partie de cette résolution relative au quasi usufruit n'est pas créatrice de droits car elle ne fait qu'énoncer les dispositions légales (article 587 du code civil) et jurisprudentielles applicables à une distribution de réserves en présence de parts sociales démembrées, étant en outre rappelé que M. L. D. a acquitté l'impôt sur le revenu au titre de l'ensemble des dividendes ; qu'ils soutiennent que les dettes de restitution (976 850,60 euros et 391 782 euros) trouvant leur origine dans un usufruit ayant sa cause dans la loi, sont fiscalement déductibles dans la succession du quasi usufruitier sans condition car les dispositions de l'article 773,2° du code général des impôts (CGI) ne sont applicables qu'aux seules dettes d'origine contractuelle ; que c'est par conséquent à bon droit qu'ils ont déposé une déclaration de succession rectificative ;

Considérant que l'administration estime quant-à-elle que le quasi usufruit constitué en cours d'usufruit résulte d'une convention entre l'usufruitier (M. L. D., le de cujus) et les nus propriétaires (M. Raphael D. et Mme Isabelle D.) des parts de la société civile L&R, créée de la volonté des associés lors de l'assemblée générale du 27 septembre 2006 ; que la présomption de fictivité de la dette posée par l'article 773, 2) du CGI est donc applicable en l'espèce ;

Considérant qu'ainsi que le rappelle l'intimé, l'impôt ayant en l'espèce été liquidé d'après les bases déclarées par les contribuables, il appartient, par application de l'article R*194-1 du livre des procédures fiscales, aux consorts D. qui entendent obtenir la correction de ces bases, d'établir la preuve de la surévaluation du patrimoine successoral de M. L. D. lors de la déclaration de succession établie le 10 janvier 2010 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 768 du CGI : Pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.

Que l'article 773 du même code dispose :

Toutefois ne sont pas déductibles:

1° Les dettes échues depuis plus de trois mois avant l'ouverture de la succession, à moins qu'il ne soit produit une attestation du créancier en certifiant l'existence à cette époque, dans la forme et suivant les règles déterminées à l'article L20 du livre des procédures fiscales;

2° Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées. Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans le dernier alinéa de l'article 911 et dans l'article 1100 du code civil.

Néanmoins, lorsque la dette a été consentie par un acte authentique ou par un acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes, les héritiers, donataires et légataires, et les personnes réputées interposées ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession.'(...) ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 587 du code civil, invoqué par les appelants : Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les gains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

Considérant, en l'espèce, qu'il n'est pas contesté que le capital social de la société L&R était, jusqu'au décès de M. L. D., réparti dans les proportions et selon les modalités rappelées par les appelants (Cf ci dessus) entre les trois associés de la société à savoir M. L. D., M. Raphael D. et Mme Isabelle D. ;

Considérant que le procès-verbal de l'assemblée générale de la société L&R du 27 septembre 2006 est ainsi rédigé :

M. L. D., gérant de la société, propose aux associés de procéder à une distribution de réserves d'un montant de 1.443.663,80 Euros en précisant que le dividende qui reviendrait à chaque part sociale serait de 3,40 Euros.

Les associés acceptant cette proposition, la résolution suivante est mise aux voix:

RESOLUTION UNIQUE:

Les associés décident de procéder à une distribution de réserve d’un montant de 1.443.663,80 Euros.

Le dividende revenant (à) chaque part sociale s’élèvera ainsi à 3,40 Euros. Ce dividende sera éligible à la réfaction de 40 % lors de son imposition.

Pour les parts sociales dont la propriété est démembrée, le nu propriétaire aura droit au dividende distribué mais l'usufruitier exercera son droit de quasi usufruit sur le dividende distribué. Ce dividende lui sera donc payé.

Madame Isabelle D. et Monsieur Raphaël D., nus propriétaire constatent et acceptent la constitution du droit de quasi-usufruit de Monsieur L. D. sur les dividendes revenant aux parts sociales démembrées ; Monsieur L. D. percevra donc seul en sa qualité de quasi usufruitier les dividendes attachés aux parts sociales dont la propriété est démembrée et sera redevable d'une créance de restitution de même montant. Monsieur L. D. accepte la création du droit de quasi-usufruit à son profit et se constitue ainsi redevable de la créance de restitution et de l'usufruit sur les dividendes attachés aux parts sociales dont la propriété est démembrée.

Le dividende sera mis en paiement à compter de ce jour.

Considérant les dispositions ci-dessus, le paiement de dividende revenant aux parts démembrées sera effectué directement entre les mains de Monsieur L. D. ainsi que Madame Isabelle D. et Monsieur Raphaël D. en donnent mandat à la société.

Cette résolution est adoptée à l’unanimité.

Considérant que si, ainsi d'ailleurs que l'indique ce procès-verbal, le nu-propriétaire a droit, pour les parts sociales dont la propriété est démembrée, au dividende distribué qui correspond à une distribution de réserves, les deux nus propriétaires de ces parts sociales ont, par la résolution sus rappelée, accepté la constitution d'un droit de quasi usufruit au profit de M. L. D. sur les dividendes revenant aux parts sociales démembrées, permettant ainsi à M. L. D. de percevoir seul le paiement desdits dividendes et le constituant redevable de la restitution de leur montant ;

Considérant qu'il ne peut, dans ces conditions, être contesté ni que le droit de quasi usufruit constitué au profit de M. L. D. sur les dividendes des parts sociales démembrées résulte d'un accord de volontés entre tous les titulaires de parts sociales lors de l'assemblée générale des associés du 27 septembre 2006, ni que la dette de restitution, dont la déduction est sollicitée au passif successoral de M. L. D. trouve son origine, non dans la loi, mais dans la convention intervenue entre les nus propriétaires et l'usufruitier de parts sociales pour verser les réserves distribuées sous forme de dividendes entre les mains de l'usufruitier à charge pour lui de les restituer aux nus propriétaires ;

Que c'est à tort que les appelants invoquent les dispositions de l'article 587 du code civil ; qu'en effet, ce texte, qui consacre un droit de disposition au profit du quasi usufruitier, régit les effets civils du quasi usufruit, mais non les circonstances de la création d'un quasi usufruit qui, seules, influent sur l'analyse de la déductibilité fiscale des dettes ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'accord intervenu le 27 septembre 2006 entre les associés est constitutif d'une convention entre nus propriétaires et usufruitier de parts sociales permettant la création conventionnelle d'un quasi usufruit sur les réserves distribuées ; qu'ils en ont exactement déduit que la dette résultant du fait que les héritiers avaient autorisé le défunt à percevoir et utiliser ces dividendes n'était, par application de l'article 773,2° du CGI, pas déductible sauf pour les héritiers, si la dette avait été consentie par acte authentique ou par acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par décès, à prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession ;

Considérant que force est de constater qu'aucune convention de quasi usufruit au profit de M. L. D. n'a été rédigée dans les formes prescrites par les dispositions de l'article 773,2° du CGI, étant observé que ne donne pas date certaine à la dette le fait que M. L. D. se soit acquitté de l'impôt sur le revenu sur les sommes qu'il a perçues en 2006 en exécution du quasi usufruit qui lui a été consenti ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité conduit à allouer à l'intimé une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Condamne in solidum M. Raphaël D., Mme Jeanne D. et Mme Isabelle M. à payer à M. le Directeur régional des finances publiques de l'Ile de France et du département de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne in solidum M. Raphaël D., Mme Jeanne D. et Mme Isabelle M. aux dépens ;

LE GREFFIER,

Benoît TRUET CALLU

LE PRÉSIDENT,

Christian REMENIERAS

Décision attaquée : TGI Paris, Paris 2012-10-18

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