Royal Formation - Paris
Tél : 06 12 59 00 16
Contact
Donation, apport à holding, vente des titres par la holding :
absence d'abus de droit
Conseil d'Etat, 9° et 10° ss-sect, 9 avril 2014, n° 353822
Donation de titres, apport des titres à une société civile holding, puis vente des titres par la holding : absence d’abus de droit.
Cet arrêt fait suite à celui de la Cour d'Appel Administrative de Bordeaux qui décidait l'abus de droit (CAA Bordeaux, n° 10BX02051, 1er sept. 2011). Il confirme un arrêt du Conseil d'Etat de décembre 2011 (CE, 8° et 3° s.- s, n° 330940, 30 déc. 2011), qui infirmait le jugement de la Cour d'Appel Administrative de Douai (CAA Douai, 2ème ch., 28 mai 2013, n° 12DA00129)
Attention à la chronologie des opérations
La donation entraîne le paiement des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ;
La vente, celui de l'impôt sur les plus-values (IPV).
Attention à la chronologie des opérations :
1) Donation puis vente : DMTG oui ; IPV non, la donation ayant effacé la plus-value.
2) Vente puis donation : IPV oui ; DMTG oui. Deux impôts au lieu d'un.
La société civile : une utilité légitimée par la jurisprudence
L'utilité patrimoniale d'une société civile a maintes fois été confirmée par la jurisprudence :
- « préserver la cohésion familiale tout en organisant la gestion et la transmission du patrimoine » (CA Chambéry, 1er févr. 2003).
- « tout en évitant que le créancier d'un indivisaire puisse déclencher le partage judiciaire des biens familiaux et cela dans un cadre juridique présentant une stabilité beaucoup plus grande qu'une indivision » (Cass. com., n° 06-21944, 26 mars 2008).
- permettre aux parents « d'éviter de se heurter au refus du nu-propriétaire d'effectuer des grosses réparations sur l'immeuble » et « de conserver un véritable pouvoir de décision sur la gestion du bien transmis, de sorte que l'opération litigieuse présentait des intérêts distincts de la préoccupation fiscale » (Cass. com., n° 07-18397, 20 mai 2008).
« d'organiser leur succession au profit de leurs enfants encore jeunes tout en préservant l'unité et la pérennité du patrimoine familial », « de préserver la participation de la famille dans la société … et d'éviter la cession des titres à des tiers, notamment à l'autre actionnaire de cette société, vente qui aurait engendré une perte de contrôle par la famille » (CE, 8° et 3° s.- s, n° 330940, 30 déc. 2011).
Conseil d'Etat, 9° et 10° ss-sect, 9 avril 2014, n° 353822
Les faits
Donation de titres, avec obligation pour les donataires de les apporter à des sociétés civiles créées à cette seule fin.
Interdiction pour les donataires d'aliéner ou de nantir les titres donnés, pendant la vie des donateurs.
Les donateurs étaient cogérants, n’étaient révocables qu’à l’unanimité et disposaient de pouvoirs étendus de décision.
Délai très bref entre les opérations de donation, d’apport, puis de cession des titres.
Distribution aux donateurs de dividendes excédant le montant des revenus des placements détenus par les sociétés civiles et leur capacité de distribution. Absence d'inscription de ces prélèvements excédentaires en comptes courants débiteurs.
Position de l'administration fiscale : abus de droit
Absence de dessaisissement ; réappropriation. La donation n'a pas été effectuée dans une intention libérale mais afin d’atténuer la charge fiscale qui aurait résulté d'une vente de ces titres.
Décision du Conseil d'Etat : absence d'abus de droit
Dès lors qu’un acte revêt le caractère d’une donation au sens des dispositions de l’article 894 du code civil, l’administration n'est pas fondée à invoquer l'abus de droit.
Décisions précédentes toutes favorables au contribuable
1• Rapports du Comité d'abus de droit fiscal
- Rapport annuel 2004 : donation puis vente.
BOI 13 L-2-05, 13 avril 2005. Affaires n° 2003-14, n° 2003-22, n° 2003-36, n° 2003-39, n° 2004-43
- Rapport annuel 2005. BOI 13 L-3-06, 30 mars 2006. Affaire n° 2004-68.
Remploi du prix de la vente dans les parts d'une société civile dans laquelle les donateurs disposent de tous les pouvoirs. Non réappropriation.
- Rapport annuel 2006. BOI 13 L-1-07, 3 avril 2007. Affaire n° 2005-8.
Donation assortie de clauses restrictives. Non réappropriation.
- Rapport annuel 2006. BOI 13 L-1-07, 3 avril 2007. Affaires n° 2005-21 et 22.
Remploi du prix de la vente dans les parts d'une société civile. Non réappropriation.
2• CE, 8° et 3° s.- s, n° 330940, 30 déc. 2011
3• CE, 9° et 10° ss-sect, 9 avril 2014, n° 353822
Commentaire
L'administration fiscale aurait sans doute préféré la chronologie suivante :
1. Les parents vendent les titres de la société opérationnelle à la société civile : impôt sur la plus-value
2. Ils donnent les liquidités à leurs enfants : droits de mutation à titre gratuit.
Deux impôts au lieu d'un. A deux solutions comparables, nul n'est tenu de choisir la voie la plus imposée.
TEXTE INTEGRAL
Conseil d’État
N° 353822
ECLI:FR:Code Inconnu:2014:353822.20140409
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
Mme Maïlys Lange, rapporteur
Mme Claire Legras, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocat(s)
Lecture du mercredi 9 avril 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 novembre 2011 et 2 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme B...A..., demeurant... ; M. et Mme A... demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 10BX02051 du 1er septembre 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement n° 0900369 du 10 juin 2010 du tribunal administratif de Poitiers rejetant leur demande tendant notamment à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2003 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “ Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : (...) / b. (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) / L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité (...). / Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement “ ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil : “ La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte. “ ; que dès lors qu’un acte revêt le caractère d’une donation au sens de ces dispositions, l’administration ne peut le regarder comme n’ayant pu être inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que son auteur, s’il ne l’avait pas passé, aurait normalement supportées ; qu’elle n’est, par suite, pas fondée à l’écarter comme ne lui étant pas opposable sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu’en revanche, l’administration peut écarter sur ce fondement un acte qui, présenté comme une donation, ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A...étaient propriétaires des actions de la SA Angoulême distribution (Angdis), qui exploitait un supermarché, et des titres de la SCI Madeleine, propriétaire des murs où l’activité était exercée ; qu’ils ont donné à chacun de leurs trois enfants, le 4 octobre 2003, la nue-propriété de 152 parts de la SCI Madeleine, puis, le 7 octobre 2003, la pleine-propriété de 3 130 actions et la nue-propriété de 12 031 actions de la SA Angdis ; que, les 23 et 24 octobre 2003, M. et Mme A... et leurs enfants ont apporté l’ensemble des titres à neuf sociétés civiles financières, cogérées par M. et MmeA..., ayant pour objet la gestion du patrimoine familial et constituées à cette fin le 4 octobre 2003 ; que les parts des sociétés civiles reçues en échange ont fait l’objet d’un démembrement de propriété par report du démembrement appliqué aux titres apportés ; que, le 31 octobre 2003, les parts de la SCI Madeleine ont été acquises par la SA Angdis, dont la totalité des actions a été cédée par les sociétés civiles financières, à cette même date, à la SA Boujusi ; qu’à la suite du contrôle dont les contribuables ont fait l’objet, du 23 juillet 2005 au 10 juillet 2006, au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année 2003, l’administration a remis en cause la sincérité des actes de donation des 4 et 7 octobre 2003, et a mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu’elle a, par la suite, renoncé aux rehaussements correspondant aux 9 390 titres de la SA Angdis dont les enfants de M. et Mme A...avaient effectivement acquis la pleine propriété, mais maintenu sa position pour les actes de donation en nue-propriété ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel de M. et Mme A...contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers rejetant leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2003 ;
4. Considérant que pour confirmer la qualification d’abus de droit donnée à la succession d’opérations de donation-partage avec réserve d’usufruit, d’apport en société et de cession en litige, la cour administrative d’appel a d’abord jugé qu’au regard du délai très bref qui s’est écoulé entre les différentes opérations et des restrictions apportées à l’exercice du droit de propriété des donataires, résultant notamment de l’interdiction d’aliéner ou de nantir les titres donnés pendant la vie des donateurs, sous peine de révocation de la donation, et de l’obligation d’apporter, à première demande, les parts et actions reçues à neuf sociétés civiles financières créées à cette seule fin et dont les statuts octroyaient aux donateurs cogérants des pouvoirs étendus de décision, notamment pour la distribution des bénéfices, l’administration établissait que l’intérêt d’une bonne gestion patrimoniale, invoqué par les requérants, n’avait pu motiver la donation litigieuse ; qu’elle a ensuite déduit de la circonstance que les requérants avaient bénéficié de virements de sept des neuf sociétés civiles financières au cours de l’année 2004 excédant de 505 848 euros le montant des revenus des placements effectués par ces sociétés que M. et Mme A...s’étaient réapproprié les droits sur les sociétés et ne s’en étaient pas réellement dessaisis ;
5. Considérant, toutefois, que la rapidité, relevée par la cour, de la revente à la SA Boujusi des titres détenus par les sociétés civiles financières auxquelles ils avaient été apportés par les donataires en exécution de l’acte de donation était sans incidence, par elle-même, sur la réalité de cette donation ; que la circonstance qu’un acte de disposition soit assorti d’une clause d’inaliénabilité durant la vie du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens des dispositions de l’article 894 du code civil ; que l’octroi aux donateurs usufruitiers de pouvoirs étendus de gestion et de décision au sein des sociétés civiles financières, dès lors qu’il n’altére pas l’obligation de restitution en fin d’usufruit en vertu de l’article 578 du code civil, n’est pas de nature, par lui-même, à remettre en cause le constat de leur dépouillement immédiat et irrévocable dès la signature des actes de donation ; qu’enfin, il ressortait des pièces du dossier soumis à la cour que si les donateurs avaient bénéficié d’excédents de distribution, ceux-ci résultaient de l’exécution d’un mandat de gestion confié à un organisme de placement et avaient été inscrits à titre d’avances au débit de comptes courants d’associés ouverts à leur nom dès la clôture de l’exercice 2004, puis remboursés par eux en 2006 ; que, eu égard à l’ensemble de ces éléments, en jugeant que les donations litigieuses ne s’étant pas traduites par un dépouillement immédiat et irrévocable des donateurs, l’administration établissait l’existence d’un abus de droit, la cour administrative d’appel de Bordeaux a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que ni la rapidité avec laquelle les différentes opérations litigieuses ont été effectuées, ni les restrictions apportées au droit de propriété des donataires nus propriétaires par les actes de donation-partage, ni les pouvoirs de gestion et de décision conférés aux donateurs usufruitiers par les statuts des sociétés civiles financières, ni l’excédent de distribution des bénéfices constaté, dans les conditions rappelées au point 5 ci-dessus, au titre de l’année 2004 ne sont de nature à remettre en cause le constat d’un dépouillement immédiat et irrévocable de M. et Mme A...en faveur de leurs enfants ; que, dès lors, eu égard à ce qui a été dit au point 2 ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2003 ;
9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6000 euros à verser à M. et Mme A...pour l’ensemble de la procédure, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 1er septembre 2011 et le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 juin 2010 sont annulés.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2003.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 6 000 euros à M. et Mme A...au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Abstrats : 19-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D’ÉTABLISSEMENT DE L’IMPÔT. ABUS DE DROIT ET FRAUDE À LA LOI. - 1) NOTION D’ABUS DE DROIT - A) ACTE REVÊTANT LE CARACTÈRE D’UNE DONATION AU SENS DE L’ARTICLE 894 DU CODE CIVIL - EXCLUSION [RJ1] - B) ACTE QUI, PRÉSENTÉ COMME UNE DONATION, NE SE TRADUIT PAS PAR UN DÉPOUILLEMENT IMMÉDIAT ET IRRÉVOCABLE DE SON AUTEUR - ACTE POUVANT ÊTRE ÉCARTÉ SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE L. 64 DU LPF - EXISTENCE - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR LE CARACTÈRE D’ACTE SE TRADUISANT PAR UN DÉPOUILLEMENT IMMÉDIAT ET IRRÉVOCABLE DE SON AUTEUR ET, PAR SUITE, SUR L’EXISTENCE D’UN ABUS DE DROIT - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS [RJ1].
19-02-045-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. REQUÊTES AU CONSEIL D’ETAT. RECOURS EN CASSATION. CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION. QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS. - DONATION - APPRÉCIATION PORTÉE PAR LES JUGES DU FOND SUR LE CARACTÈRE D’ACTE SE TRADUISANT PAR UN DÉPOUILLEMENT IMMÉDIAT ET IRRÉVOCABLE DE SON AUTEUR ET, PAR SUITE, SUR L’EXISTENCE D’UN ABUS DE DROIT [RJ1].
54-08-02-02-01-02 PROCÉDURE. VOIES DE RECOURS. CASSATION. CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION. BIEN-FONDÉ. QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS. - FISCALITÉ - DONATION - APPRÉCIATION PORTÉE PAR LES JUGES DU FOND SUR LE CARACTÈRE D’ACTE SE TRADUISANT PAR UN DÉPOUILLEMENT IMMÉDIAT ET IRRÉVOCABLE DE SON AUTEUR ET, PAR SUITE, SUR L’EXISTENCE D’UN ABUS DE DROIT [RJ1].
Résumé : 19-01-03-03
1) a) Dès lors qu’un acte revêt le caractère d’une donation au sens des dispositions de l’article 894 du code civil, l’administration ne peut le regarder comme n’ayant pu être inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que son auteur, s’il ne l’avait pas passé, aurait normalement supportées. Elle n’est, par suite, pas fondée à l’écarter comme ne lui étant pas opposable sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF). b) En revanche, l’administration peut écarter sur ce fondement un acte qui, présenté comme une donation, ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur
2) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l’appréciation portée par les juges du fond sur le point de savoir si un acte présenté comme une donation a le caractère d’acte se traduisant par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et, par suite, sur l’existence d’un abus de droit.
19-02-045-01-02-03 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l’appréciation portée par les juges du fond sur le point de savoir si un acte présenté comme une donation a le caractère d’acte se traduisant par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et, par suite, sur l’existence d’un abus de droit.
54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l’appréciation portée par les juges du fond sur le point de savoir si un acte présenté comme une donation a le caractère d’acte se traduisant par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et, par suite, sur l’existence d’un abus de droit.
[RJ1] Rappr. CE, 30 décembre 2011, M. et Mme Motte-Sauvaige, n° 330940, T. p. 869.
Cour d'appel administrative Bordeaux, n° 10BX02051, 1er sept. 2011
Donation - apport à société - vente : abus de droit,
mais l'arrêt a été annulé par le Conseil d'Etat
Les clauses insérées dans l'acte de donation étaient les suivantes :
- Interdiction d'aliéner ou de nantir les titres donnés, pendant la vie des donateurs
- Obligation d'apporter à société civile
- Les parents cogérants n'étaient révocables qu'à l'unanimité et disposaient de pouvoirs étendus de décision
- Cession des parts de société civile qu'après l'accord de l'ensemble des associés
Autre grief :
- Distribution de dividendes excédant la capacité de distribution.
=> Réappropriation des droits sur la société, absence de déssaisissement.
Cour Administrative d'Appel de Bordeaux
N° 10BX02051
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
Mme FLECHER-BOURJOL, président
M. Olivier MAUNY, rapporteur
M. VIE, rapporteur public
GOULARD, avocat
Lecture du jeudi 1 septembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 août 2010, présentée pour M. et Mme Edouard A, demeurant ..., par Me Goulard ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900369 du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant notamment à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :
- le rapport de M. Mauny, premier conseiller ;
- les observations de Me Goulard pour M. et Mme A ;
- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;
La parole ayant été rendue aux parties ;
Considérant que M. et Mme Edouard A relèvent appel du jugement du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à l'époque des faits : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b. (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que ni les requérants, ni l'administration n'ayant saisi le comité consultatif pour avis conformément aux dispositions précitées, la charge de la preuve de l'existence d'un abus de droit appartient à l'administration ;
Considérant que M. et Mme A étaient propriétaires des actions de la SA Angoulême distribution (Angdis), exploitant un supermarché, et des titres de la SCI Madeleine, propriétaire des murs où l'activité est exercée ; qu'ils ont donné à chacun de leurs trois enfants, le 4 octobre 2003, la nue-propriété de 152 parts de la SCI de la Madeleine, puis le 7 octobre 2003, la pleine-propriété de 3 130 actions et la nue-propriété de 12 031 actions de la SA Angdis ; que le 23 et le 24 octobre 2003, M. et Mme A et leurs enfants ont apporté l'ensemble des titres à neuf sociétés civiles, cogérées par M. et Mme A, ayant pour objet la gestion du patrimoine familial et constituées à cette fin le 4 octobre 2003 ; que les parts des sociétés civiles reçues en échange ont fait l'objet d'un démembrement de propriété par report du démembrement appliqué aux titres apportés ; que le 31 octobre 2003, les parts de la société civile de la Madeleine ont été acquises par la SA Angdis dont la totalité des actions a également été cédée, à cette même date, à la SA Boujusi ; que l'administration, au regard des clauses des actes de donation, du mode de fonctionnement des sociétés civiles auxquelles les titres donnés ont été apportés, du délai réduit entre les dates des cessions et apports susmentionnés, et de l'avance sur distribution consentie aux époux donateurs, a considéré que les actes de donation en nue-propriété des titres susmentionnés revêtaient un but exclusivement fiscal, car ayant été établis pour éluder l'impôt en évitant la taxation entre les mains des requérants de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des titres à la SA Angdis ; qu'elle a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales pour écarter les actes de donation partage des 4 et 7 octobre 2003, regardés comme fictifs ;
Considérant, d'une part, que le service a relevé que les actes de donation-partage des 4 et 7 octobre 2003 imposaient aux donataires l'obligation d'apporter les parts et actions à neuf sociétés civiles financières créées à cette seule fin par les donateurs et leurs trois enfants, ce qu'ils ont fait dès le 23 octobre 2003, et que les donataires ne pouvaient pas aliéner ou nantir les titres donnés, pendant la vie des donateurs, sous peine de révocation de la donation ; que les statuts des sociétés civiles prévoyaient en outre que M. et Mme A en étaient cogérants, qu'ils n'étaient révocables qu'à l'unanimité et disposaient de pouvoirs étendus de décision, notamment s'agissant de la distribution des bénéfices, et que les parts des sociétés civiles ne pouvaient être cédées qu'après l'accord de l'ensemble des associés ; que si M. et Mme A soutiennent que les restrictions apportées à la disposition des titres donnés à leurs enfants résultaient de leur volonté de s'assurer une source préservée et pérenne de revenus, en intervenant activement dans la gestion de ce patrimoine familial dès lors que leurs enfants ne disposaient ni de l'expérience ni des connaissances nécessaires en la matière, ils ne contredisent cependant pas utilement le service qui a relevé que les parts de la SCI Madeleine puis les actions de la SA Angdis ont été vendues dès le 31 octobre 2003, les actions de la SA Angdis étant finalement acquises par la SA Boujusi pour un montant total de 13 643 920 euros ; qu'ainsi, au regard des restrictions apportées à l'exercice du droit de propriété des donataires et de la portée relative de la donation réalisée dans de telles conditions, et au délai très bref entre les opérations de donation, d'apport, puis de cession, des titres en cause, le service a établi que l'intérêt d'une bonne gestion patrimoniale invoquée par les requérants n'avait pu motiver la donation litigieuse ;
Considérant, d'autre part, que le service a relevé que les requérants ont bénéficié de virements de sept des neuf sociétés civiles susmentionnées au cours de l'année 2004, excédant de 505 848 euros le montant des revenus des placements effectués par lesdites sociétés, dont une distribution de dividendes par six des sociétés, excédant de 149 102,78 euros leurs capacités de distribution ; que si les requérants font valoir que les excédents de distribution retenus par le service sont erronés dès lors qu'il n'aurait pas été tenu compte de l'accroissement de la valeur vénale de bons de capitalisation et de plus-values latentes sur portefeuille au titre desquels ils pouvaient encore prétendre à une distribution, ils n'apportent toutefois pas de précision sur ces éléments, alors qu'ils ont fait valoir par ailleurs que le caractère excédentaire de ces acomptes au regard des capacités de distribution de la société s'expliquerait par la baisse de rendement des placements effectués ; que s'ils font valoir en outre que les montants en cause ont fait l'objet d'une inscription, au titre d'avances, au débit d'un compte courant d'associé ouvert à leur nom dans les sociétés civiles et de leur remboursement en 2006, ils ne justifient pas d'une telle inscription et en tout état de cause ne contestent pas, ce faisant, leur appréhension des sommes litigieuses ; qu'eu égard aux éléments qu'il a relevés, le service doit donc être regardé comme ayant établi que M. et Mme A se sont réappropriés les droits sur les sociétés et ne s'en sont pas réellement dessaisis ;
Considérant qu'eu égard à l'absence d'intérêt des donations partages en litige pour une bonne gestion patrimoniale, et à la réappropriation d'une partie des sommes en cause par M. et Mme A eu égard aux conditions des distributions sus-décrites, l'administration établit que les donations en nue-propriété effectuées par M. et Mme A n'ont pas été effectuées dans une intention libérale mais afin d'atténuer la charge fiscale qu'ils auraient normalement dû supporter s'ils n'avaient pas passé ces actes ; qu'ainsi, l'administration était fondée à taxer les plus-values réalisées sur la cession de ces titres, après avoir écarté les actes des 4 et 7 octobre 2003 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme A la somme qu'ils réclament sur le fondement dudit article ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Conseil d'Etat, 8° et 3° s.- s, arrêt n° 330940, 30 déc. 2011
Donation - apport à société - vente : absence d'abus de droit
Une donation de titres aux enfants qui efface une plus-value, puis la vente rapide par les enfants des titres à une société civile n'est pas constitutive d'un abus de droit en l'absence de réappropriation par les donateurs.
Situation, chronologie des opérations de l'affaire traitée :
1. Echange (ou apport) de titres : report (ou sursis) d'imposition de la plus-value
2. Donation aux enfants : effacement de la plus-value et donc de l'impôt ; paiement des droits de mutation
3. Vente rapide par les enfants à une société civile
4. Placement des liquidités appartenant aux enfants sur des comptes bloqués en capital jusqu'au décès des donateurs.
Position de l'administration fiscale et de la Cour administrative d'appel de Douai : abus de droit.
Les donateurs ne s'étaient pas effectivement dessaisis des titres ayant fait l'objet de la donation ; la donation n'a pas porté sur les titres mais sur des liquidités ; les donateurs n'avaient pas agi dans une intention libérale.
Décision du Conseil d'Etat : absence d'abus de droit
Les donateurs ne se sont pas réapproprié les sommes issues de la vente par les donataires des actions. L'intention libérale n'est pas remis en cause quand bien même la donation est assortie de conditions restrictives telles que :
- une clause d'inaliénabilité (Code civil, article 900-1) la vie durant du donateur ;
- l'interdiction faite aux donataires de céder, nantir ou disposer d'une façon quelconque des actions pendant la vie des donateurs ou du survivant d'eux, seule la mutation à titre gratuit par les donataires à leurs descendants en ligne directe étant autorisée ;
- l'obligation d'apporter à première demande des donateurs les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, dont ils ne pouvaient demander la dissolution qu'un an après le décès des donateurs ;
- l'obligation, en cas de vente des titres autorisée par les donateurs, de remployer ces sommes sur des comptes bancaires bloqués en capital jusqu'au décès des donateurs, les donataires pouvant seulement disposer librement des revenus à compter de leurs 25 ans
La rapidité avec laquelle est intervenue la revente à la société civile des actions par les donataires est sans incidence quant au caractère de la donation.
Le but n'était pas exclusivement fiscal : la volonté des donateurs était « d'organiser leur succession au profit de leurs enfants encore jeunes tout en préservant l'unité et la pérennité du patrimoine familial », « de préserver la participation de la famille dans la société … et d'éviter la cession des titres à des tiers, notamment à l'autre actionnaire de cette société, vente qui aurait engendré une perte de contrôle par la famille ».
Conseil d'état
N° 330940
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats
Lecture du vendredi 30 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 17 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Arnaud A-B, demeurant . ., Belgique ; M. et Mme A-B demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00548 du 16 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de
Douai, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, en premier lieu, a annulé le jugement n° 0700550 du 20 décembre 2007 du tribunal administratif de Lille et, en second lieu, a remis à leur charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A-B,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme AB;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B a échangé, le 23 juin 1997, 161 titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys contre des titres de la société Label, créée à cette même date en vue de regrouper les participations détenues par les diverses branches d'une même famille, et s'élevant à la moitié du capital de cette entreprise dirigée par des membres de cette famille, l'autre moitié de ce capital étant détenue par un seul actionnaire non lié au groupe familial ; qu'elle a déclaré avoir réalisé à cette occasion une plus-value dont elle a demandé le report d'imposition sur le fondement des dispositions alors en vigueur du II de l'articles 92 B et du I ter de l'article 160 du code général des impôts ; que par acte du 29 avril 2003, enregistré le 27 mai 2003 à la recette des impôts de Roubaix, M. et Mme A-B ont fait donation de la pleine propriété de 110 de ces actions de la société Label à parts égales à leurs cinq enfants, dont deux étaient mineurs et les trois autres rattachés à leur foyer fiscal ; que le 5 juin 2003, les donataires ont revendu ces titres, au prix unitaire correspondant à celui retenu dans l'acte de donation, à la société civile Java, laquelle avait été créée en 1996 entre Mme B et son père et avait pour gérante Mme B qui détenait en pleine ou en nue-propriété 99,5 % des parts sociales ; que celle-ci a également vendu à la même date à la société Java les titres de la société Label qu'elle avait conservés en propre et a acquitté l'impôt correspondant à la plus-value qui avait été placée en report d'imposition ; qu'à la suite du contrôle dont les contribuables ont fait l'objet au titre de l'impôt sur le revenu portant sur l'année 2003, l'administration a relevé dans sa proposition de rectification du 10 mars 2005 que, compte tenu de la donation des 110 titres, la plus-value dégagée lors de l'apport des titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys à la société Label et placée en report d'imposition était, dans cette mesure, annulée mais elle a remis en cause la sincérité de l'acte de donation et a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme A-B se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 16 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2007 prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2003, auxquelles ils ont été assujettis à l'issue de ce contrôle, et a remis à leur charge ces impositions ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 4 du I ter de l'article 160 du code général des impôts, alors en vigueur : L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B ; qu'aux termes du II de l'article 92 B du même code, alors en vigueur : 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (. .) / b ) (. .) qui déguisent soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus (. .) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité (. .) / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ; que l'administration peut faire usage des pouvoirs qu'elle tient de ces dispositions lorsqu'elle entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération se traduisant par le report d'imposition d'une plus-value déclarée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B du code général des impôts ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 894 du code civil : La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte ; qu'aux termes de l'article 900-1 du même code : Les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ; que la circonstance qu'un acte de disposition soit assorti d'une clause d'inaliénabilité la vie durant du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens de ces articles du code civil ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'acte de donation prévoyait qu'à compter de sa signature, chacun des donataires serait propriétaire des biens et en aurait la jouissance immédiate tout en interdisant aux donataires de céder, nantir ou disposer d'une façon quelconque des actions pendant la vie des donateurs ou du survivant d'eux, à peine de nullité de l'acte de disposition à titre gratuit, seule la mutation à titre gratuit par les donataires à leurs descendants en ligne directe étant autorisée ; que cet acte stipulait que les donataires se voyaient également imposer à la première demande des donateurs d'apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, dont ils ne pouvaient demander la dissolution qu'un an après le décès des donateurs ; qu'il prévoyait enfin qu'en cas de vente des titres autorisée par les donateurs, le produit de la vente serait laissé en dépôt dans une banque ou tout établissement financier choisis par les donateurs jusqu'à ce que les donataires aient atteint l'âge de 25 ans, étant entendu qu'aucun retrait en capital ne pourrait être effectué sans l'accord des donateurs jusqu'au décès de ces derniers, les donataires pouvant seulement disposer librement des revenus, coupons ou intérêts à compter de leurs 25 ans ; que la cour a analysé l'ensemble de ces stipulations et a jugé qu'il n'était pas établi que les époux A-B se seraient effectivement dessaisis des titres ayant fait l'objet de la donation, et, par suite, a remis en cause l'intention libérale de l'acte de donation ; qu'elle a aussi relevé que les requérants n'apportaient, par ailleurs, aucun élément d'explication quant à la rapidité avec laquelle était intervenue la revente à la société Java des actions par leurs enfants, dès le 5 juin 2003, soit cinq semaines après la signature de l'acte de donation et dix jours après son enregistrement à la recette des impôts le 27 mai 2003 ;
Considérant, d'une part et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la circonstance qu'un acte de disposition soit assorti d'une clause d'inaliénabilité la vie durant du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens des articles 894 et 900-1 du code civil ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les donateurs ne se sont pas réappropriés les sommes issues de la vente par les donataires des actions à la société Java, ces sommes ayant été effectivement versées dans leur intégralité sur les comptes bancaires ouverts au nom de chacun des enfants, sans que la clause de remploi les obligeant à verser ces sommes sur des comptes bancaires bloqués en capital jusqu'au décès des donateurs affecte le droit de propriété des donataires sur ces dernières ; qu'enfin aucune des autres clauses de l'acte de donation mentionnées par la cour, autorisées en leur principe par le code civil et justifiées par l'intérêt légitime qui s'attachait à la volonté des requérants d'organiser leur succession au profit de leurs enfants encore jeunes tout en préservant l'unité et la pérennité du patrimoine familial, n'était de nature à remettre en cause le constat d'un dépouillement immédiat et irrévocable des donateurs dès la signature de cet acte ; qu'en particulier, la clause faisant obligation aux donataires à la première demande des donateurs d'apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, n'avait pas pour effet de remettre en cause ce constat dans le mesure où elle était en l'espèce justifiée par la volonté des donateurs de préserver la participation de la famille dans la société Cartonnerie de la Lys Ondulys et d'éviter la cession des titres à des tiers, notamment à l'autre actionnaire de cette société, vente qui aurait engendré une perte de contrôle par la famille ; qu'ainsi et alors que la rapidité avec laquelle est intervenue la revente à la société Java des actions par les donataires est sans incidence par elle-même quant au caractère de cette donation, la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve de ce que la donation-partage suivie de la cession des titres par les enfants à une société civile familiale était constitutive d'un abus de droit et en déduisant des éléments qu'elle a relevés que les requérants ne s'étaient pas effectivement dessaisis des titres ayant fait l'objet de la donation et que, par suite, ils n'avaient pas agi dans une intention libérale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A-B sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que le ministre indique dans son recours que la procédure de répression des abus de droit a été mise en œuvre dès lors que la plus-value, qui avait été réalisée par Mme A-B lors de l'échange des titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys contre des titres de la société Label et avait été placée en report d'imposition, avait ainsi été purgée par cette donation-partage des titres de la société Label ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration n'établit pas que l'acte de donation aurait présenté un caractère fictif ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si l'opération de donation suivie de la cession des titres présentait dans son ensemble un but exclusivement fiscal, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique n'apporte pas la preuve que M. et Mme A-B auraient commis un abus de droit ;
Considérant, toutefois, que le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée par elle, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable de garanties, soutient que, contrairement à son objet, la donation n'a pas porté sur les titres de la société Label mais sur des liquidités, dès lors que Mme A-B a conservé le contrôle des titres qui ont été réintégrés dans son patrimoine eu égard aux droits et pouvoirs dont elle dispose sur la société civile Java à laquelle les titres ont été cédés par les donataires ; que cependant, dès lors que la donation des titres de la société Label aux enfants des requérants ne revêtait pas de caractère fictif et qu'elle a ainsi opéré un transfert des titres du patrimoine des donateurs à celui de leurs enfants, avant la cession par ces derniers des titres dont ils étaient devenus propriétaires à la société civile Java, il ne peut être soutenu que la donation n'a pas porté sur les titres de la société Label ; qu'il suit de là que le nouveau fondement légal que l'administration entend donner à l'imposition contestée ne pouvant être retenu, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A-B ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à M. et Mme A-B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel du Douai du 16 juin 2009 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique présenté devant la cour administrative d'appel est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A-B la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Arnaud A-B et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
CAA Douai, 2ème ch., 28 mai 2013, n° 12DA00129
Situation, chronologie des opérations
Des parents détiennent des titres acquis 0,43 € chacun.
Plus tard, des parents font une donation-partage de titres à leurs enfants, le titre étant valorisé 78,18 €.
Le lendemain, une personne achète les titres donnés au prix unitaire de 78,18 €.
L'administration fiscale apporte la preuve que les parties, vendeurs et acheteurs, s'étaient entendues sur le nombre d'actions et sur leur prix avant la donation (au plus tard le 10 octobre).
Conséquences
La vente a été parfaite avant la donation.
Vente parfaite. Code civil, art. 1583 : « Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Dans ces conditions, il y a eu vente puis donation. Les parents sont redevables de l'impôt sur la plus-value (78,18 € - 0,43 €) et les enfants donataires des droits de mutations à titre gratuit.
Cour administrative d'appel de Douai
N° 12DA00129
Inédit au recueil Lebon
2e chambre - formation à 3
M. Mortelecq, président
M. Patrick Minne, rapporteur
M. Marjanovic, rapporteur public
SELARL MAUBANT-SARRAZIN-VIBERT, avocat(s)
lecture du mardi 28 mai 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré par courrier électronique le 26 janvier 2012 et régularisé par la production de l'original le 27 janvier 2012 au greffe de la cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901543 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme A. .B. .a été assujettie au titre de l'année 2001 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de prononcer le rétablissement des impositions déchargées et la condamnation de Mme B. .à rembourser à l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 83-359 du 2 mai 1983 pris pour l'application de l'article 94-II de la loi de finances pour 1982 (n° 81-1160 du 30 décembre 1981) et relatif au régime des valeurs mobilières ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B., détenteurs de 88 377 actions de la SA Groupe OMB ont, en vertu d'un acte de donation-partage passé devant notaire le 17 octobre 2001, attribué à leurs trois enfants 48 000 de ces actions, chaque donataire en recevant 16 000 ; que la valeur unitaire de ces titres de participation a été fixée à 78,18 euros ; que, le lendemain, 18 octobre 2001, la société SACI Fournitures de Bureau, devenue depuis société Fiducial Bureautique, a pris le contrôle de la SA Groupe OMB par rachat, à 18 de ses actionnaires, de 192 385 des 288 577 actions composant son capital, moyennant le prix unitaire de 78,18 euros ; qu'à l'occasion de cette opération de cession, M. et Mme B. .ont vendu 26 918 de leurs actions ; que leurs enfants en ont cédé 10 667 chacun, soit 32 001 actions au total ; que si M. et Mme B. .ont déclaré la plus-value de cession résultant de la vente de leurs propres actions, l'administration a estimé, à l'issue d'un contrôle sur pièces de leur déclaration de revenus de l'année 2001, que la vente des actions de la SA Groupe OMB avait été effectivement réalisée avant la donation-partage et, qu'ainsi, la plus-value résultant de la cession des 32 001 titres attribués aux enfants devait être imposée aux noms de leurs parents, sur la base d'un prix d'acquisition de 0,43 euros et non pas sur celle de la valeur, égale au prix de cession, fixée dans l'acte de donation-partage ; que le ministre fait appel du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, notamment, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme A. B. a été assujettie au titre de l'année 2001 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : “I. 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 francs par an. (. .)" ; qu'en vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès lors qu'ils sont convenus de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ;
3. Considérant que, les redressements n'ayant pas été acceptés par M. et Mme B., il appartient à l'administration d'apporter la preuve de ce que la cession des 32 001 actions en cause a été réalisée antérieurement à la date du 18 octobre 2001 déclarée par les intéressés et figurant sur le registre des mouvements de titres de la SA Groupe OMB ;
4. Considérant que, si l'administration doit en principe apporter la preuve qui lui incombe du caractère parfait de la vente en se fondant sur les stipulations de l'acte de cession ainsi que sur les actes contemporains des pourparlers ayant précédé la cession, encore faut-il qu'elle y ait accès ; que le ministre fait valoir, sans être contesté, que le service a cherché, en vain, à prendre connaissance de la convention de cession des actions en cause ainsi qu'aux lettres d'intention et protocole d'accord ayant précédé la conclusion de cette convention ; que l'existence de cette convention résulte suffisamment des stipulations du contrat de prêt du 18 octobre 2001, passé entre la Lyonnaise de Banque et la société SACI Fournitures de Bureau, emprunteur, dont l'article 4.1.8 rappelle que cette dernière a, préalablement à la date de signature, remis à la banque une copie certifiée conforme du contrat dit d'acquisition Groupe OMB ; que la contribuable intimée ne conteste pas l'existence de ce contrat, ni celle d'une lettre d'intention établie en août 2001, mentionnée dans un rapport d'audit réalisé sur le groupe OMB, ni celle d'un protocole d'accord, toutes pièces qu'elle est seule à pouvoir verser au dossier ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'administration de s'être abstenue de produire une promesse de vente, ni d'avoir rassemblé des indices de nature diverse pour étayer sa position ;
5. Considérant que le contrat de prêt du 18 octobre 2001 rappelle, en exposé liminaire, les conditions de la prise de contrôle de l'intégralité des actions de la SA Groupe OMB par la société SACI Fournitures de Bureau par acquisition, dans un premier temps, des deux tiers, au jour de réitération, et, avant le 31 mars 2002, du tiers restant ; qu'à ces deux dates, le prix unitaire de l'action s'élevait, aux termes de l'acte d'acquisition établi préalablement au contrat de prêt et auquel ce dernier se réfère, à 78,18 euros ; que le prêt a été consenti sous la forme de quatre tranches de financement concourant à l'attribution à la société SACI Fournitures de Bureau d'un montant total de 38 850 000 euros ; que la première de ces tranches, dite A1, d'un montant en capital de 12 950 000 euros, était destinée à financer partiellement l'acquisition des deux premiers tiers des actions de la SA Groupe OMB, au prix unitaire de 78,18 euros déjà indiqué ; qu'à titre de garantie, la Lyonnaise de Banque a recueilli le cautionnement de la société SACI, société mère de la société emprunteuse SACI Fournitures de Bureau, à concurrence de la somme totale prêtée de 38 850 000 euros ; que le cautionnement pour ce montant précis, et donc déterminé à partir du prix unitaire de 78,18 euros, a été autorisé par le conseil d'administration de la société SACI du 10 octobre 2001, antérieur de plusieurs jours à la date du 18 octobre 2001 où le paiement est intervenu ; que ce prix unitaire de 78,18 euros est encore le prix sur lequel se sont engagés les actionnaires de la SA Groupe OMB pour céder leurs dernières actions avant le 31 mars 2002 ; qu'il est également celui qui a été retenu pour évaluer, le 17 octobre 2001, la valeur des actions ayant fait l'objet de la donation-partage au bénéfice des enfants des contribuables redressés ; que ces éléments, objectifs, précis et concordants révèlent que les banque et caution se sont engagées, au plus tard le 10 octobre 2001, en toute connaissance des détails de l'opération, sur le prix de cession des actions et sur leur nombre ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'absence de production des actes contractuels qui permettraient de démentir l'analyse que l'administration en a fait à partir des modalités de financement analysées ci-dessus, elle doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les parties à la cession s'étaient entendues sur le nombre d'actions et sur leur prix unitaire de 78,18 euros avant la date du 17 octobre 2001 ;
6. Considérant que la circonstance, invoquée en défense par Mme B., que l'existence d'une multiplicité de cédants, unis par un pacte d'actionnaires, était de nature à compromettre la perfection de l'accord est simplement alléguée, sans que la réalisation d'un tel événement soit avérée par les attestations, établies plusieurs années après les négociations et dont la teneur, imprécise, ne permet pas de pallier l'absence de production des actes de ventes et avant-contrats que la contribuable s'est refusée à soumettre aux débats ; que le courrier électronique d'un cabinet d'avocats transmettant en pièce jointe, le 17 octobre 2001 à 21 h 27 une nouvelle version de l'accord, est seulement de nature à justifier que d'ultimes ajustements rédactionnels sont intervenus pour, notamment, tenir compte des incidences fiscales des stipulations des articles 2.9, 3.1 et 3.2, sans qu'il soit établi que ces modifications aient eu pour objet ou pour effet de revenir sur l'accord convenu préalablement à propos de la chose et du prix ; qu'en l'absence de production d'éléments contemporains des négociations, les mêmes attestations, eu égard à leur imprécision, ne permettent pas de conclure que le caractère déterminé ou déterminable du prix unitaire des actions a été remis en cause le 18 octobre 2001 en raison de la poursuite de discussions sur l'étendue d'une garantie de passif ; que les conditions dans lesquelles ont été établis, dans la soirée du 18 octobre 2001, les chèques de banque, sont sans incidence sur le caractère parfait de la cession ; que, de façon plus générale, la contribuable intimée soutient qu'un événement était encore susceptible d'intervenir jusqu'à la fin de la journée du 18 octobre 2001 pour remettre en cause les termes de l'accord ; que, toutefois, cette seule allégation, qui n'est au demeurant assortie d'aucune précision sur l'existence d'autres variantes que le prix de 78,18 euros résultant clairement de l'accord que les banque et caution ont accepté de financer et garantir, ne suffit pas à remettre en cause les éléments rassemblés par le service ; que, dans ces conditions, en ayant estimé que l'administration n'apportait pas la preuve que la cession des actions en cause s'était réalisée antérieurement à la donation-partage intervenue le 17 octobre 2001, le tribunal administratif s'est livré à une appréciation erronée des faits qui lui étaient soumis ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme B. ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : “Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (. .) b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (. .)" ;
9. Considérant que l'administration n'a pas remis en cause l'intention libérale qui a animé M. et Mme B. .lors de la donation-partage qu'ils ont consentie à leurs enfants ; que l'administration n'a pas davantage estimé qu'ils avaient effectué cette donation dans un but exclusivement fiscal ; que le service, qui n'a écarté aucun acte comme lui étant inopposable, s'est borné, pour rechercher le fait générateur de la plus-value de cession à titre onéreux en cause, à identifier la date à laquelle cette cession s'est réalisée pour l'application des dispositions précitées de l'article 150-0 A du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a mis en oeuvre, implicitement, la procédure de répression des abus de droit, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, doit être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'en énonçant que la convention des parties s'impose à l'administration tant que son caractère fictif ou la motivation exclusivement fiscale n'est pas établie, la documentation administrative n° 3 G-143 du 1er juillet 1989 n'ajoute pas à la loi ; que, par suite, Mme B. .n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme B. .a été assujettie au titre de l'année 2001 ; que lesdites impositions doivent être rétablies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : “Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
En ce qui concerne les frais de première instance :
13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; qu'en vertu du présent arrêt, la décharge prononcée en première instance n'était pas justifiée ; que, par suite, le ministre est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B. .et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne les frais d'appel :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B. une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DéCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0901543 du 15 décembre 2011 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Mme B. est rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2001 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.
Article 3 : Les conclusions de Mme B. .présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A. B. et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
N°12DA00129
Abstrats : 19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.